La sensation des touches contre ses doigts lui faisait un bien fou. Clyde ne ressentait ça nul par ailleurs. Bien sûr, il appréciait aussi jouer un rôle, se mettre dans la peau d’une autre personne, mais cela n’était pas comparable. Faire de la musique, c’est ce qu’il préférait faire.
Lorsque la chanson se termina, il remercia rapidement les clients puis jeta un coup d’œil à la liste qu’il avait préparée pour son concert – la tête en l’air qu’il était ne pouvait pas survivre sans. Cependant, il sentit la pression d’une main contre son avant-bras  qu’il l’obligea à se retourner. Mais la personne qu’il vit n’était pas celle qu’il imaginait être.
Clyde n’en revenait pas ; il ne pouvait pas se résoudre à y croire. Cela faisait bien trop longtemps qu’il n’avait pas vu son visage, ni même entendu le son de sa voix si particulière – qu’il aimait tant. Pour lui, toute cette histoire s’était finie depuis bien trop longtemps. Et voilà qu’il réapparaissait, sans le prévenir au préalable, sans même lui laisser le temps de s’habituer à sa présence.
En y réfléchissant bien, Clyde se dit qu’il aurait dû s’en douter. C’était bien le style de son ancien petit-ami, de revenir en secret. Jules avait toujours apprécié faire dans la théâtralité. Cela faisait littéralement partir de sa personnalité, l’exagération de ses moindres faits et gestes. Clyde avait dû s’y habituer à l’époque où les deux jeunes hommes s’étaient mis en couple. Bien sûr, avec beaucoup de difficultés étant donné que Clyde lui-même possédait à ce moment-là le caractère d'un « adolescent en crise ». Mais le bouclé, bien que trop fier pour le crier sur les toits de la ville, aimait beaucoup trop Jules pour ne pas se forcer.
Clyde eut un moment de lucidité lorsqu’il repensa à l’endroit où ils se trouvaient tous les deux. La salle s’était faite silencieuse après la montée de Jules sur scène, si bien que tous les regards dans le bar s’étaient tournés vers eux, curieux de savoir ce qu’il se passerait par la suite. Clyde se racla la gorge, nerveux et déjà en rage contre cet homme qu’il avait fui deux ans auparavant. Il se leva bêtement, bredouillant un bref « veuillez m’excuser » à l’audience, puis attrapa le bras de son ex petit-ami.

– Toi, tu te tais et tu viens avec moi, murmura-t-il à Jules avant de l’emmener dans les coulisses.

Oh, il allait avoir des ennuis quand le patron serait mis en courant de cet évènement. Clyde imaginait déjà la tête de son supérieur lorsqu’il le virerait de son établissement, mais il secoua la tête, laissant cette image de côté pour se concentrer sur son premier problème. Jules.
Les coulisses étaient vides de monde – Dieu merci, mais Clyde lâcha la main de Jules lorsqu’il fut sûr et certain d’être seuls. Il ne se tourna pas immédiatement vers lui, prenant un instant pour se calmer et reprendre une respiration normale. Lorsqu’il voulut lui faire face, une colère s’installa rapidement en lui, sans en connaître la véritable raison. Peut-être parce qu’il avait pris un bon moment avant d’oublier l’existence de Jules, leurs moments passés ensemble, la sensation de ses lèvres contre les siennes.

– J’espère que tu as une bonne raison d’être ici parce que tu viens sûrement de me faire virer.

Clyde n’était pas fier de lui ; il s’était promis que la colère ne viendrait plus s’immiscer dans sa vie. Et voilà qu’elle revenait au galop, sans qu’il ne puisse rien faire pour la contrôler. Il s’y obligea néanmoins, bien que la tâche fût plus dure qu’il ne l’imaginait.

– D’ailleurs, qu’est-ce que tu fais ici ? lui demanda-t-il sans pouvoir se retenir.